Pour vous, chers toutes-et-tous qui suivez, encouragez et supportez sans faillir les activités de notre club, j’ai le plaisir de revenir grâce au présent récit sur l’initiative sportive, très sympathique à tous égards, qu’avait prise il y a plusieurs mois une prof’ parisienne d’éducation physique. Une prof’ comme on les aime, accrocheuse, pugnace, désireuse d’instiller un peu de flamme dans les cœurs de ses jeunes élèves. De flamme olympique, bien sûr. De transmettre aux jeunes cet esprit olympique qui imprègnera cet été notre capitale, que dis-je, notre pays tout entier quand s’y dérouleront les JO Paris 2024. C’est bientôt, c’est demain, ce seront à n’en pas douter des Jeux Olympiques de toute beauté.
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Non pas que les héros de la semaine dernière, dont il sera ici question, convoitent pour cet été déjà les médailles olympiques, ni les hautes marches des podiums, ni les hymnes nationaux. Non, pour tout ça il faudra un peu attendre. Mais bon sang ne saurait mentir. Déjà, nous l’avons perçue pendant les quatre jours qu’a duré leur mémorable Tour du Lac Léman, germe dans ces cyclistes en herbe la graine des grandes et grands champions.
J’exagère ? Pas du tout, chers amis. L’exploit sportif que viennent de réaliser dans notre région ces collégiennes et collégiens de la Cité scolaire Jules Ferry (Lycée et Collège du 9ème arrondissement de Paris) mérite d’être décrit ici avec quelques détails. Cette “Epopée des JPL” (Jeunes Parigots-cyclos du Léman), nous la conterons un jour à nos petits enfants. Leur belle aventure doit sa réussite à Jeanne Garnier, une pédagogue ayant la foi. Elle est prof’ d’EPS à Jules Ferry, elle est la professeure principale de nos héros du jour, les 25 élèves de la 5ème3.
De jeunes citadins qui ne possédaient pas tous, loin de là, leur propre vélo. Jeanne la combattante nous avait contactés, très en amont, pour voir si nous pourrions lui prêter quelques bécanes (c’est ainsi que notre club cyclo, le CAVS, s’était déclaré partant pour l’aider dans son projet avec deux clubs voisins, celui de Thonon et celui de Cranves-Sales, c’est ainsi que nous sommes devenus amis).
Comme nous n’avions pas pu répondre “oui” à sa demande, Jeanne a trouvé grâce à un gardien d’immeubles parisien des vélos de récupération abandonnés dans divers parkings, une vingtaine en tout. Certains biclous ayant un sérieux besoin de remise en état, Jeanne les a fait retaper à Paris-même par des associations sans qu’il en coûte un sou.
Je passe sous silence les mille défis logistiques et budgétaires que Jeanne a dû affronter pour mener à bien son projet, accompagnée jusqu’au bout par une poignée de collègues et parents d’élèves. Et sur place, une fois la troupe sur le pied de guerre, par nous les Cyclos. Pour ne pas vous noyer dans les détails, je m’en tiens au côté sportif de l’expédition des Gamins d’Paris dans notre pays.
Voici donc, amis Lecteurs, le récit par le menu de leur “Boucle du Léman en Quatre Jours“. Mais avant de le commencer je précise encore, pardon, les principes directeurs de la randonnée : les enfants pédaleurs sont encadrés tout au long par cinq accompagnateurs parisiens, Jeanne, trois collègues profs et un parent ; le groupe et les vélos sont ramenés chaque soir à Évian par un car qui, afin qu’ils puissent y reprendre la grande boucle, les transporte chaque matin suivant au point final de l’étape achevée la veille ; le chauffeur du car (il a été génial et constamment de bonne humeur) se démène pour charger ou extraire les vélos dans la remorque (pas facile, il faut faire entrer et fixer 36 vélos différents) ; nous, les Cyclos des trois clubs d’ici, nous déléguons six de nos membres chaque jour pour donner un coup de main si besoin (il y a mille et une interventions sur les bécanes des jeunes coureurs) et jouer sur la route les guides-accompagnateurs. Il faut en effet “border” le groupe, les voies sont également empruntées par les autos et les camions.
24 mars, l'arrivée en Haute-Savoie
Ce dimanche-là, les 25 Titis pédaleurs et leurs accompagnateurs le commencèrent à Annemasse, où ils brandirent le drapeau jaune “Annemasse ♥ le vélo” en applaudissant l’arrivée de la course Elite du Grand Annemasse-Bellegarde. Ils furent même invités sur le podium quand le maire d’Annemasse, M. DUPESSEY, y félicita les vainqueurs. Ce fut ensuite, pour ainsi dire, à leur tour : on les transféra à leur camp de base, Évian, le soir même.
Le premier jour : 25 mars, étape Évian-Genève
(59 kilomètres)Évian, point de départ de leur propre Tour. Et voilà que s’ébranle une farandole de têtes blondes, ou plutôt de casques jaunes, toute une fière équipée arborant, sécurité oblige, ses trente et quelque gilets réfléchissants. Ils étaient, disons-le, magnifiques !
Du stress à outrance en revanche pour nous, qui ne connaissions pas les enfants, qui avions tout de suite constaté de grandes différences d’équipement et de forme physique chez les participants. Mais le soleil était là, les sourires étaient là. Très vite l’ambiance tourna à la franche amitié, ce fut décontracté et génial. Nous les avions invités à ne plus nous donner du “Madame, Monsieur”, mais à utiliser nos prénoms. Ce fut un apprivoisement réciproque.
Les niveaux étaient différents, il fallait à tout instant s’adapter à la vitesse des un(e)s, aux coups de mou des autres, faire des sous-groupes, surveiller que chacun(e) roule à son aise.
Une pause pique-nique a permis un petit repos au soleil, puis le groupe visita Yvoire, la ville médiévale pendant que nous, les Cyclos-quasi-pros, nous sirotions un café. Mystère d’une alchimie régénératrice inexpliquée par la science mais bien connue des pédagos : c’est toujours à la pause que les enfants montrent l’énergie la plus débordante ! ! ! Puis il y eut le deuxième tronçon de l’étape, et l’arrivée à Genève où le célèbre jet d’eau fit l’émerveillement des enfants. Ces 60 premiers kilomètres du Tour, pensez-vous, auraient dû les fatiguer ? Grosse erreur. Dans l’autocar du retour on observa, croyez-moi, que la vitalité était toujours bel et bien là.
Le deuxième jour : 26 mars, étape Annemasse- Morges
(56 kilomètres)Siège social de notre club oblige, c’est dans notre ville que nous tenions à organiser le départ. Il eut lieu en présence de M. BOUCHER, Premier adjoint au Maire et du Dauphiné Libéré. Une collation fut offerte par deux aimables partenaires, l’Office de Tourisme Les Monts de Genève et La TAC Mobilités. Les enfants, surpris d’être l’objet d’autant d’attentions, répétaient avec émotion : “C’est pour nous tout ça ?”
Le soleil voulut ce jour-là se montrer radieux lui aussi, et les températures se poussèrent du col. Ambiance en tout point printanière. On s’enduisit copieusement de crème solaire, sans empêcher pour autant que ne s’écrive un nouveau best-seller, “Chronique d’un coup de soleil annoncé“. Nous avons roulé facilement, la plus grande partie du parcours se trouvant sur la piste cyclable.
Le site du pique-nique, déniché par notre super-chauffeur, fut un parc tout en fleurs bordé par une plage ! Un moment de pur délice avant de remonter en selle, un peu fatigué(e)s les un(e)s, pas tant que ça les autres.
Reconnaissons qu’on s’est tous un peu “fait avoir” par diverses plaintes et doléances montant des rangs. Nous, nous entendions des “j’ai mal à la tête, j’ai la nausée…”. Attendris par ces boniments, nous trouvions leurs profs un peu sévères de n’en vouloir rien croire. Que nenni ! Au point d’arrivée, lorsque se fit le chargement des vélos, des petits farceurs qui se déclaraient quasi morts une heure plus tôt étaient tous en pleine forme, et couraient à perdre haleine sur le terrain de foot attenant. A en juger par les quantités de chocolat dévorées, les maux de ventre et autres faiblesses avaient disparu.
Le troisième jour : 27 mars, étape Évian-Vevey
(35 kilomètres)Notre super-chauffeur faisant une pause méritée jusqu’en fin de journée, on avait prévu une voiture balai se chargeant de ramasser les fatigués avant que tout le monde ne soit récupéré par le car du soir. Malheureusement, la pluie et le froid annoncés à la météo furent confirmés. Pas question de partir le matin, nous avons donc attendu les éclaircies de l’après-midi pour démarrer. Las ! Dame météo ce jour-là n’ayant pas fait une démonstration de précision, nous avons dû, quelque peu contrariés, décider la modification du trajet et l’improvisation dans l’urgence d’une boucle en aller-retour permettant de rejoindre la douane de Saint-Gingolph.
Il faut d’ailleurs parler des douaniers de Saint-Gingolph, juste un mot. Douaniers sans doute redoutables quand il s’agit d’épingler les contrebandiers. Sûrement intraitables, rigoureux et sévères. Mais ce que nos Parisiens notèrent, c’est que ces mêmes fonctionnaires, envers l’honnête cycliste roulant pépère, savent au contraire se montrer débonnaires. C’est ainsi qu’un douanier ce jour-là, genou à terre, se donna du mal à réparer sur l’un des biclous un dérailleur carrément réfractaire. La pluie ne le décourageant pas, ce douanier, volontaire, finit par remettre le vélo en état. C’est grâce à cette crème d’homme, soyons sincères, grâce à cette bonne âme douanière que notre groupe put ce jour-là poursuivre son itinéraire. Le bureau des douanes de Saint-Gingolph peut en être fier.
Sur tout le reste du parcours la prudence fut de mise, et bien nous en prit. Encore plus concentrés qu’ils ne l’avaient été jusque là, les enfants furent tout simplement exemplaires. Une attitude d’ailleurs récompensée puisque le retour à Évian, finalement, eut lieu sous un beau soleil.
Le quatrième jour : 28 mars, étape Morges-Vevey
(31 kilomètres)C’était l’étape clé de leur périple, couronnée par la visite du Musée Olympique de Lausanne et une participation à des ateliers du musée organisés autour des valeurs de l’olympisme. Lectrice, Lecteur, tu ne seras pas surpris(e) si je te dis que pour nous pendant ce temps il y eut “repos des Cyclos quasi-pros” autour d’un bon café chaud. Quand l’heure vint de retrouver nos chérubins, ils étaient tout heureux. Au point de boucler sans rechigner les 20 bornes qui ramenaient la petite troupe à Vevey.
A la fin du quatrième Jour, en soirée de clôture, que conclure?
Conclure, conclure…Eh bien nous conclurons, puisqu’il faut bien conclure !
Que les quatre jours sont passés à toute allure.
Que ces Gamins d’Paris ont relevé, et avec quel courage ! un “sacré défi”.
Que plus de 180 kilomètres ont été parcourus, comptant en 4 jours plus de mille mètres de dénivelé cumulés.
Qu’ils ont été ce faisant carrément méritants, surtout que certains des biclous utilisés n’étaient pas vraiment adaptés pour couvrir de pareilles distances. Mais ils l’ont fait ! Toujours volontaires, déterminés, courageux, gais, gentils. De vrais champions, vous dis-je !
Que les profs, de leur côté, avaient organisé la dernière soirée et que ce fut “un tabac”. On échangea maintes récompenses et maints cadeaux ce soir-là. Nous avons dit à nos vaillants petits pédaleurs que nous étions, c’est la stricte vérité, très fiers d’eux ! Ils ont emporté à Paris, et c’est pareil pour nous qui restons ici, des souvenirs pour toute la vie…
Que nous, les Cyclos, nous sommes fiers d’avoir partagé cette expérience avec eux. Nous sommes, en d’autres mots, épuisés mais heureux. Ah ! la grande concentration que nous avions sur la route pour protéger notre couvée ! Ah ! les voyages en car, si “vivants” qu’on pourrait parler de tintamarre, voire de “joyeux bazar” ! Ah ! la réactualisation de notre vocabulaire ! On saura s’exprimer maintenant “en langue djeune”, on saura tout sur toutes et tous, qui est en couple, qui est “la meuf” de qui, qui a dit quoi, qui a fait quoi… Motus pourtant ! Ne comptez pas sur nous pour “aller répéter des trucs”, vendre la mèche, rendre publics leurs petits secrets. La vérité si je mens, ce qui s’est dit au Léman restera au Léman !
Que ces sacrés gamins nous ont offert une cure de jouvence, que leur insouciante jeunesse nous donna un coup de fouet du tonnerre, et que c’est salutaire !
Que nous gardons le contact avec les élèves, qu’ils nous remercient au moyen de petits SMS. Ayant dans le cadre de leur travail de classe à écrire maintenant un Journal du Tour du Léman, ils nous font participer, avec leur retour d’expérience, à l’ambitieux compte-rendu de voyage qu’ils ont sur le chantier.
Bravo à tous les élèves : Aaron, Aileen, Ali, Anoush, Charles, Claude, Clémence, Esther, Franchesca, Gabriel, Hermine, Iban, Ibrahima, Jade, Lou, Louise, Maksim, Marcelin, Noé, Norah, Oumou, Rachel, Sacha, Tristan, Zarko.
Bravo à leurs professeurs accompagnateurs : Amélie, Corentin, Jeanne, Julie.
Bravo à Sylvain, leur super chauffeur.
Un salut amical, enfin, qu’ils soient de Paris ou qu’ils soient de Haute-Savoie, à tous les encadrants : à Emmanuel, parent d’élève ; à Bernard, Christian, Colette, Eric, Jean-Jacques et Pierre, du club de Thonon ; à Michel, président du club de Cranves-Sales ; à Corinne, à Michel, à moi-même du club d’Annemasse, à tous les supporters des Cyclos d’Annemasse, et j’en passe…
Comme chantait l’ami Fernand, “C’est quand, dis, Papa, c’est quand qu’on remet ça ? Parce que nous, les gars, nous on est partants en tout cas !“
– Les cyclos d’la yaute